Fin du deuxième mois à la Maison Julien Gracq, ça y est, j’ai passé la moitié. Ecriture, ateliers, ce mois-ci j’étais plongée dedans. J’ai poussé les lourdes portes de la maison d’arrêt et du centre détention, ai entendu le cliquetis de la clé dans la serrure, j’ai été prise par une odeur de chaussette et de nicorette, j’ai écrit, rit, je me suis engueulée. Au dehors je me suis désespérée, j’ai voulu tout foutre à la poubelle. J’ai plongé dans l’océan, parlé de l’Arche, cueilli des hortensias bleus, j’ai accompagné des ami.e.s qui galèrent, ai formidablement aimé mes deux co-résident.e.s, leur ai dit au-revoir, en ai accueilli deux nouveaux. J’ai démonté mon dérailleur sous un soleil de plomb, j’ai mangé des glaces, je pensais à ceux de l’intérieur, à leurs talents, à leurs galères.
Je sors de ce mois mêlée, un peu plus en paix que je n’y suis rentrée, et, comme le dit un détenu en dévoilant son tatouage sur le bras: “à fleur de peau, la vie est belle”.
Culture-justice
“Depuis que je suis ici, je passe et repasse, pousse la lourde porte, attends le cliquetis et pousse de nouveau. Je passe les portes avec ma bonne mine, mes pantalons colorés, mon badge et mon API à la ceinture. Je me serre dans les escaliers, les laisse monter eux, ceux qui restent. Je connais ceux de mon petit groupe, apprécie leurs talents, saisis leurs goûts, leurs espoirs, leurs difficultés, les saisis toujours au vol. Je n’ose les attraper, je les regarde voltiger et ça fait des milliers de serrements au coeur, des joies indicibles. Ici c’est comme ailleurs, en moins bien certes, mais se jouent toutes les grandeurs humaines en version concentrée. Tenir, continuer d’aimer, se rencontrer, créer, comme au-dehors mais plus fort.”
J’ai passé cinq fois la porte de la maison d’arrêt d’Angers, deux fois celle de Nantes et deux fois aussi le centre de détention de Nantes. Nous sortons les stylos et nous naviguons de paysages en paysages, c’est beau.
Radio-G
Début juin, j’ai été reçue à Radio G, une super radio associative à Angers. C’est, je crois, la rencontre autour des vies orageuses dont les questions ont été les plus incroyables, complexes, époustouflantes.
Je vous mets au défi de répondre à Luc sans temps de préparation: “Dans ce livre la question des règles et des lois est en filigrane, chez Idrissa car il les compare avec les lois de chez lui, chez Sarah parce qu’elles représentent des obstacles absurdes à ses yeux, pourtant ce qui fonde la république c’est le droit, qu’est ce que vous pensez de ces multiples dispositifs?”
https://radio-g.fr/a17980
Lecture croisée
Bernard est un ami de la maison Julien Gracq. Jérémy m’a passé le mail qu’il m’avait envoyé lorsque je suis arrivée à la maison. Bernard voulait me rencontrer.
Bernard accueille des personnes exilées depuis 2017, il a écrit plusieurs livres, notamment un index de tous les livres qui parlent d’exil.
On a bu un café ensemble et on a eu envie d’organiser une lecture de nos textes.
Ça s’est passé le 2 juillet dans une odeur de thérébentine, au milieu de tableaux en attente de restauration. Nous avons lu nos textes avec Anne, une artiste qui a recueilli les histoires de migrantes dans le monde entier. On a discuté, on a chicané sur les mots, on n’était pas tous d’accord dans cet atelier de restauration de tableaux, certains parlaient de rationalité, d’autres de racisme, certains politisaient, d’autres non, ça s’est fini autour d’un verre de vent dans le frais du soir.
Desécriture
Je le savais depuis le début, je voulais dire trop de trucs dans ce roman tentaculaire. Je le savais mais je cravachais quand même, de plus en plus atterrée, de plus en plus en galère. J’ai fini par envoyer mes trois premiers chapitres à des copines du café créa, notre groupe de soutien à la création et leur verdict est tombé: “j’espère que ça se calme sur les péripéties dans les prochains chapitres”… Je n’ai pas osé leur dire que ça s’accélérait… Je suis allée marchée, je me suis baignée dans la Loire en tout délinquance et j’ai ressentis un grand calme. C’était simple, il fallait que je supprime la moitié de mon roman! Marion a raison, ce sera probablement un roman en deux tomes, j’ai hâte de me replonger dans l’écriture jeudi prochain, je sais un peu mieux où je vais!
A voir, à lire, à écouter
Vieni Creator Spiritu d’Harpa Dei, j’ai demandé à ma tante de m’envoyer des musiques belles pour réconforter et donner de la joie. Ce morceau grégorien chanté par l’ensemble Harpa Dei me bouleverse.
Stabat Mater dolorosa de Pergolese: Toujours ma tante, une musique merveilleuse.
La familia Grande de Camille Krouchner
Agenda
5 juillet: atelier d’écriture et mi-parcours de résidence, maison Julien Gracq
juillet: résidence à la maison Julien Gracq
22-25 août: atelier d’écriture et conférence sur les femmes et l’alpinisme, Grindelwald, Suisse
Hihi, vivement le tome 2 alors ;)